LE MIROIR DES FEES
A deux pas de mon village natal je connais un petit ruisseau bien joliment nommé « le Bief de Caille » Quand j’étais tout petit, je croyais qu’il abritait des fées au creux de son lit. Lorsque je contemplais mon image spéculaire ondoyante et incroyablement transformée à la surface du ruisseau, j’étais tout à la fois intrigué et émerveillé par les mystères de la nature, qui dans mon esprit d’enfant n’étaient autres que la manifestation du pouvoir d’êtres surnaturels, bien sûr.
Un demi siècle plus tard, le souffle parfois tempétueux de la vie a fait s’envoler de mon esprit bien des concepts de mon enfance pour lesquels j’éprouve aujourd’hui une nostalgie certaine parce qu’ils étaient si beaux, et empreints d’une poésie hors d’atteinte par notre monde adulte. Les fées auraient-elles donc disparu de mon imaginaire, et aussi du monde par conséquent ? Pas si sûr que cela pour peu que je retrouve une parcelle de mon regard enfantin prompt à s’émerveiller de tout.
Il y a bien quelque chose de féerique qui se passe à la surface de l’eau : juste à la frontière atomique entre l’air et le liquide, la lumière danse sur l’onde et compose sur son canevas invisible une myriade de figures inimaginables, au rythme endiablé de la symphonie fantastique des couleurs du monde.
Tout l’univers qui se mire dans l’eau s’y retrouve instantanément transfiguré, réinterprété, au gré d’un fantaisisme inouï. Le monde environnant est happé dans une réalité parallèle insaisissable, reconfigurée incessamment à la vitesse de la lumière comme par magie.
Magie artistique infinie, fantastique et merveilleuse, surnaturellement poétique, affranchie des conventions du réel, et inexorablement rattachée à cette même réalité source. Comment ne pas tomber sous le charme d’une telle beauté qui ne peut être que féérique.
Les fées de l’eau sont toujours là je crois. L’eau porte leur pouvoir immuable au fil du temps depuis que le monde est monde, j’en ai saisi l’image chimérique sur mon capteur numérique, pur produit miraculeux de notre technologie
Mes photographies de reflets dans l’eau - qui n’ont rien d’abstrait car la photographie n’est autre que l’image d’une réalité à un instant T - témoignent simplement de l’incommensurable imaginaire graphique du monde chatoyant et magique du miroir des fées.